Résumé de la conférence « L’aide publique suisse sous toutes ses coutures : les acteurs, la vision et les priorités pour l’Afrique », 15 octobre 2015

Actualités – Africa 21
15 octobre 2015  

Cycle d’évènements en l’honneur de l’adoption du Programme de développement durable de l’onu pour 2030
Compte rendu de la 1e conférence publique du 15 octobre 2015

L’aide publique suisse sous toutes ses coutures : les acteurs, la vision et les priorités pour l’Afrique

 Avec la participation de :

  • Son Excellence M. l’Ambassadeur Jean-Marie Ehouzou, Délégation permanente de l’Union africaine auprès de l’Office des Nations unies et des autres organisations internationales à Genève;
  • Mme Maria Jesus Alonso Lormand, Directrice du Service de la solidarité internationale du Canton et République de Genève;
  • M. René Longet, Président de la Fédération genevoise de coopération.
  • Modérateur: Dr. El Hadji Malick Sanghare, Directeur-adjoint des programmes, Africa 21.

Le 15 octobre 2015 s’est tenu à l’Organisation météorologique mondiale le premier événement du Think tank Africa 21 consacré à l’Agenda  2030 de développement durable des Nations unies. Cette conférence qui constitue la première d’une série de manifestations sur ce programme, avait pour thème « l’aide publique suisse sous toutes ses coutures : les acteurs, la vision et les priorités pour l’Afrique ». Dans sa substance, la conférence a tenu toutes ses promesses, aussi bien par la qualité des exposés que par les échanges qu’ils ont suscités. Animé par le Directeur-adjoint aux programmes d’Africa 21, la soirée a débuté par l’intervention de S.E.M. l’Ambassadeur Jean-Marie Ehouzou sur les priorités africaines dans l’Agenda 2030 des Nations unies, suivie ensuite par la présentation de Mme Maria Jesus Alonso Lormand, Directrice du service de la coopération internationale de l’État de Genève sur le thème de la solidarité internationale de l’État de Genève, pour finir par l’intervention de Monsieur René Longet, expert en développement durable et Président de la Fédération genevoise de coopération  qui a porté sur la question de l’engagement de la Société civile sur ce programme à travers les projets de la Fédération genevoise de coopération pour l’après-2015.

Ces différents exposés, bien qu’ayant éclairé sur les enjeux de l’Aide publique au développement (APD) dans le nouveau contexte que l’on connaît, ont été utiles sur bien d’autres aspects. C’est ainsi que l’intervention de S.E.M. l’Ambassadeur Ehouzou a permis de tirer un bilan des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et de faire un lien conceptuel avec les nouveaux Objectifs de développement Durable (ODD). L’exposé de M. l’Ambassadeur a insisté sur la forme de continuité qu’il y a entre les OMD et les ODD dans l’effort de la communauté internationale pour un développement inclusif et juste sur le continent africain, mais aussi sur la rupture consacrée par ce nouveau programme de par sa vocation universaliste et sa prétention à l’exhaustivité à l’image de ses 17 objectifs et 169 cibles. De ce fait, le Programme a été présenté comme conforme sur plusieurs points aux attentes des Africains dans l’effort global pour le développement et la lutte contre les défis mondiaux. C’est ainsi que des sujets comme la lutte contre l’extrême pauvreté, la protection de l’environnement, la bonne gouvernance et le maintien de la paix érigés comme des thématiques du nouveau programme de développement des Nations unies, constituent des axes forts de l’effort de développement africain.

Toutefois, cette conformité ne gomme pas les attentes particulières des pouvoirs publics africains dans la mise en œuvre de ce Programme et de l’APD qui pourrait l’accompagner. Il s’agit en priorité de l’industrialisation du continent notamment en ce qui concerne la transformation des matières premières et du soutien à la compétitivité des économies africaines dans un contexte d’échanges économiques globalisés. De la même manière, la thématique de la participation de la diaspora africaine dans le développement a émergé comme un sujet important de réflexion tant dans la mise en œuvre du Programme de développement de l’ONU pour 2030, que dans les efforts de consolidation et d’amélioration de l’APD en direction du continent. En somme, s’il convient de retenir une idée de cette première intervention et des réactions qu’elle a suscitées auprès de l’auditoire, elle consisterait à dire que si l’APD constitue un élément fondamental de la coopération internationale pour le développement, sa vraie utilité résiderait dans sa capacité à créer les conditions d’un développement africain endogène et inclusif dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau Programme des Nations unies pour le développement.

Cette idée est d’ailleurs loin d’être secondaire tant elle a émergé dans les interventions ultérieures des autres panélistes. La présentation de Mme Alonso Lormand a permis d’inscrire cette idée dans le réel de la coopération internationale pour le développement de l’État de Genève. En effet, après un exposé des plus explicites sur le cadre juridique et les mécanismes institutionnels et fonctionnels de la solidarité internationale de l’État de Genève. Mme Alonso Lormand a mis en exergue les actions concrètes qui relèvent de cette solidarité. Parmi les initiatives qui la structurent, il convient de retenir entre autres la formation des acteurs africains sur les thématiques de la garantie des droits humains, de la responsabilisation et de la libéralisation des capacités. À cette dernière s’ajoute celle majeure de faire de l’APD un moyen permettant aux Africains de prendre en charge leur destin dans les défis actuels.

Cette ambition de la Solidarité internationale genevoise n’est pas à minorer dans la mesure où elle sous-tend une vraie revendication de la part de l’élite politique africaine et de sa diaspora. Cela étant, il a été aussi précisé par la panéliste que l’aide de l’État de Genève est aussi importante dans un domaine telle que l’assistance humanitaire, que dans des domaines plus atypiques comme le soutien aux pouvoirs publics africains dans la « Genève internationale ». L’aide apportée aux missions diplomatiques africaines en matière de bureau au sein de cette « Genève internationale » a été avancée. Cependant, s’il n’y a pas de doute sur la pertinence et la cohérence de l’action de la solidarité internationale de l’État de Genève, des interrogations ont néanmoins subsisté. L’une d’elles porte sur le transfert de technologie en faveur des pays pauvres, s’y ajoute aussi celle fort importante de la lutte contre les flux financiers illicites. Cette question se pose avec acuité dans le contexte de contraction des financements pour la coopération à destination des PMA.

Quid alors de la Société civile genevoise dans l’APD et le Programme de développement des Nations unies pour 2030 ? L’intervention de M. Longet a été une réponse pertinente en la matière. Cette intervention qui peut se lire sous deux axes, a apporté des enseignements utiles dans la compréhension du fonctionnement de la société civile genevoise et de ses actions. Le premier est un éclairage sur le rôle et les fonctions de la Fédération genevoise de coopération dans l’action de solidarité internationale de l’État de Genève, quant au second, il met l’accent sur le rôle des différents membres de cette Fédération quant à leurs projets et leur inscription dans la mise en œuvre du Programme de développement des Nations unies pour 2030. A ce titre, on retiendra son rôle d’interface entre les divers acteurs de la société civile genevoise et les autorités publiques décisionnaires en matière de coopération internationale pour le développement. Ce rôle est important dans l’étude technique des projets mis en place par les acteurs de la société civile genevoise et soumis aux autorités compétentes en matière de coopération internationale du Canton. Cette fonction qui permet dans un sens de garantir la transparence, l’efficacité et la rigueur du travail des acteurs de la Société civile genevoise, fait de la Fédération Genevoise de coopération une sorte de délégataire de Service public dans la mise en œuvre de cette solidarité à destination des États bénéficiaires. Cette mission conjuguée avec le cadre juridique relatif à la coopération internationale de la Suisse, fait de la Fédération genevoise de coopération une actrice clé dans les politiques relevant de l’APD suisse à destination de l’Afrique.

Ce constat semble être corroboré par le second volet de cette intervention qui non seulement est revenu sur le processus international ayant conduit à la proclamation des ODD, mais plus encore, sur la capacité de la communauté internationale à les réaliser. Certes, le défi est de taille, mais en cas de volonté politique commune, de mutualisation des moyens de financement publics et privés et d’une inclusion des acteurs de la société civile, l’optimisme est permis.

Cette démonstration a permis à M. Longet de revenir sur la question devenue centrale de la lutte contre les flux financiers illicites dans le financement de ce Programme comme dans la rationalisation de l’APD en Afrique. Il a ainsi rappelé que cette thématique constitue un terrain de bataille traditionnel des acteurs de la société civile genevoise et que, dans la réflexion sur l’efficacité de l’APD,  les pouvoirs publics pourraient faire l’effort de mieux s’en saisir. Il a été aussi question de manière générale de l’implication de la société civile dans ce Programme. S’il a été montré que le caractère multipartite de l’Agenda 2030 augure d’une participation active de la société civile dans sa mise en œuvre, les contours de cette participation reste à déterminer du fait de son adoption récente. Ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne les projets des acteurs de la société civile genevoise. L’intervention de M. Longet a fourni des illustrations de cette implication dans plusieurs pays africains comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali sur des thèmes aussi divers que la santé, le développement rural, l’éducation et la formation ou l’environnement.

Les questions posées par les personnes présentes ont eu le mérite de montrer que l’intérêt de la diaspora africaine pour ce continent est toujours vif et qu’elle demeure engagée dans ces problématiques.  Cet événement a aussi été l’occasion de constater un vrai désir de participation et de prise de parole de la part des africanistes sur ces sujets dans le but de faire émerger des idées nouvelles et d’enrichir le débat d’idées sur les enjeux africains du développement  et du progrès social, politique et démocratique. C’est sur ce constat que s’est terminée cette conférence ouvrant ainsi la porte à d’autres évènements de cette nature dont l’objectif est double pour Africa 21. D’une part, il s’agit pour notre structure de poursuivre son travail de vulgarisation des éléments qui structurent le Programme de développement des Nations unies pour 2030 auprès du public genevois en général et africaniste en particulier et d’autre part, mettre en avant son expertise dans ce domaine auprès des décideurs publics africains et internationaux.


De gauche à droite: A. Gomez, B. Mukundji, Dr. R. Mukundji, M. Diop, Mme Alonso-Lormand, Dr. Sangharé, M.R. Longet, J. Chambolle, SE l’Ambassadeur Ehouzou.